Construire au long cours dans une ère de l’instantanéité : l’exemple de FREMM

FREMM en mer

12 novembre 2020 Naval de défense Bâtiments de surface Groupe Story

Programme majuscule, la classe des frégates multimissions (FREMM) cultive l’exception.
Entre 2012 et 2022, date de livraison de la Lorraine, Naval Group aura produit dix FREMM, au total. Un chantier gigantesque qui défie en permanence l’échelle du temps. Pour préserver au long cours les compétences des milliers de collaborateurs qui vont s’y succéder, mois après mois. Pour concevoir les innovations des futures frégates, et préparer leur implémentation sur les précédentes. Pour nourrir une relation-client, qui durera plus de 40 ans compte tenu du cycle de vie des bateaux. Comment relever ce défi du temps long, dans un monde de l’urgence? Nicolas Gaspard, directeur des programmes FREMM, y répond.

Y a-t-il un secret pour préserver une relation-client de qualité, programmée pour durer ?

« L’écoute et le respect mutuel. Il faut savoir que chaque directeur de programme évolue au sein de Naval Group tous les 3 ou 4 ans. Pour ma part, je suis arrivé sur FREMM en 2016, alors que le programme avait commencé pour sa phase de conception dès 2005. Côté client, c’est pareil. Les équipes bougent. On peut cependant souligner qu’il s’agit d’un turn-over très « organisé » et soutenu par le cadre contractuel du programme, qui est fort. Le plan de management structure différents rituels. Nous évoluons donc dans un contexte relationnel très balisé et avec des attentes bien formalisées de part et d’autre. »

Aucun risque, donc ?

« Si, il y en a au moins un, lié au « stress » inévitable du client. Les États qui investissent dans un programme  attendent, en retour, un produit à la hauteur de leurs ambitions. Nos interlocuteurs peuvent donc être soumis à de très fortes pressions de la part de leur hiérarchie. Le  rôle du directeur de programme est d’entretenir la confiance et de rassurer en apportant les preuves de fiabilité et la réactivité attendues. Je ne suis pas le seul artisan de cette confiance, côté Naval Group. Les experts sont clefs, et je m’appuie sur une équipe qui évolue à tous les niveaux hiérarchiques, et au rythme du programme. Chaque phase est importante. »

L’innovation technologique impose, elle aussi, son rythme. Comment intégrer à un programme déjà lancé, les évolutions en cours ? 

« Nous considérons deux sortes d’innovations. Celles issues du monde civil, comme les PC, les téléphones, les services internet tels que les réseaux sociaux. Et puis, il y a les innovations technologiques que Naval Group ou ses partenaires équipementiers conçoivent pour moderniser les différents systèmes à bord et apporter des capacités opérationnelles supplémentaires aux marines. Dans les deux cas, nous privilégions chaque fois que possible une approche incrémentale, c’est-à-dire progressive et continue. C’est la démarche qui a été choisie sur FREMM. À terme, les bateaux témoigneront du même niveau d’évolutions capacitaires. La vitesse à laquelle les incréments sont installés dépend bien sûr des crédits alloués et du temps disponible pour ces travaux lors des arrêts techniques. Les FREMM sont des frégates de premier rang, les couteaux suisses de la Marine nationale : elles naviguent beaucoup, ce qui nous laisse peu de temps pour faire des travaux… Déployer ces incréments est donc un autre défi encore, qui passionne Naval Group. »  

Maintien des compétences : un enjeu crucial d’aujourd’hui et de demain pour les départements métiers

Évaluer et anticiper les besoins du programme, afin d’allouer les compétences clés aux moments-clés, c’est le rôle de la planification. Répondre à ces besoins, toujours en mouvement, d’un programme de Naval Group à l’autre, revient aux départements métiers. Un collaborateur peut être affecté quelques mois sur une FREMM, puis sur le programme Malaisie, par exemple, avant de revenir sur une autre FREMM. S’assurer qu’il maîtrise les spécificités de chaque programme est capital. En cas de « creux » entre deux affectations, le collaborateur peut se voir proposer des temps de formation ; soit il en bénéfice, soit il en dispense à autrui. Mais dans le cas de besoins accrus, il faut alors recruter, transmettre les savoirs et savoir-faire, progressivement. Les programmes peuvent aussi être parallélisés pour accélérer le time to market. Bref, tout l’enjeu pour les directeurs de départements métiers consiste à gérer finement ce casse-tête de sorte que les experts et spécialistes soient bien là où ils sont attendus, et restent occupés, motivés et heureux à leur travail entre deux affectations sur des programmes.

 

Nicolas Gaspard, directeur des programmes FREMM, Naval Group